Paiements : vers un écosystème européen plus intégré et compétitif

Le secteur des paiements traverse des bouleversements accélérés, portés par la convergence des enjeux de souveraineté, de performance et d’innovation. La maîtrise de l’ensemble de la chaîne de paiement – du terminal à la compensation interbancaire – s’impose désormais comme un levier stratégique. Elle garantit aux acteurs européens une plus grande autonomie face aux grandes plateformes internationales, à l’heure où les big tech renforcent leur présence dans l’écosystème des paiements. Elle joue aussi un rôle clé dans la compétitivité des commerçants.

Frédéric Burtz, Directeur du métier Paiements du Groupe BPCE, interviendra sur ces enjeux au Sommet CB 2025, le 18 mars prochain, au Carrousel du Louvre. Dans une interview croisée avec Antoine Grimaud, CEO de Payplug, ils livrent ici leur vision des évolutions du secteur et des prochaines étapes pour structurer une offre à la fois souveraine et performante.

Dans un contexte de consommation plus incertain, les commerçants sont particulièrement attentifs à la fluidité et à la fiabilité des paiements. Comment répondre à cette exigence croissante et garantir une expérience sans accroc ?

Antoine Grimaud : En effet, la performance des paiements est un critère décisif pour les commerçants. En magasin, un client sur deux réalise un achat, alors qu’en e-commerce, ce taux tombe à 2% – entre la première visite sur la page d’accueil et la validation du panier. Un paiement refusé, c’est souvent une vente ratée… et une perte sèche pour le e-marchand.

D’où l’importance d’optimiser le taux d’acceptation. CB surperforme aujourd’hui les réseaux de cartes internationaux en France, et chez Payplug, nous investissons massivement pour assurer cette fluidité, en tirant parti de notre connaissance des spécificités du marché français.

Frédéric Burtz : L’autre enjeu clé est la disponibilité des infrastructures. Lors des périodes de forte affluence, comme le Black Friday ou des événements de grande ampleur, la capacité à absorber de forts volumes de transactions sans latence est essentielle.

Un bon exemple est la billetterie des Jeux Olympiques de Paris : plus de 3 millions de transactions ont été traitées via Payplug et BPCE, avec un taux d’acceptation exceptionnellement élevé. Cette exigence de fiabilité est devenue un standard, et explique pourquoi certains grands distributeurs ou fournisseurs de services internationaux privilégient aujourd’hui des solutions locales optimisées plutôt que des généralistes mondiaux, qui affichent des taux d’échec plus élevés.

Quelles sont les prochaines étapes pour bâtir un écosystème de paiement européen pleinement intégré, et quel rôle BPCE et Payplug comptent-ils y jouer ?

Frédéric Burtz : L’avenir des paiements passe par une maîtrise complète de la chaîne de valeur. C’est pourquoi BNP Paribas et BPCE ont annoncé la création d’Estreem, une plateforme commune de processing des paiements, capable d’opérer de très gros volumes de transactions, tout en garantissant compétitivité et autonomie technologique. Notre objectif est clair : offrir une alternative performante aux solutions anglo-saxonnes, tout en optimisant les coûts et la rapidité des transactions, au bénéfice des commerçants et des consommateurs.

Antoine Grimaud : Un autre projet structurant est Wero, un nouveau système de paiement européen et un véritable laboratoire d’innovation européen, conçu pour compléter CB. Son objectif est de fédérer les Prestataires de Services de Paiement (PSP) locaux afin de créer une alternative européenne forte aux schémas internationaux. Wero offrira aux commerçants, en France et en Europe, une alternative compétitive, avec des coûts réduits et une expérience client extrêmement fluide sur tous les cas d’usage de paiement – de personne à personne, en magasin et en e-commerce.

L’objectif est d’aller toujours plus loin dans l’intégration. Du terminal de paiement à l’acquisition en ligne, chaque maillon de la chaîne doit être conçu pour maximiser la performance et garantir l’indépendance des paiements européens. Cette dynamique est d’autant plus importante dans un futur où la carte bancaire va progressivement s’effacer en tant que support physique, au profit de sa version dématérialisée. Le paiement se fera de plus en plus entre appareils multifonctions, par exemple le téléphone ou la montre connectée du client vers un appareil du vendeur. Cette évolution répond au besoin de limiter les objets à usage unique, et surtout, simplifie l’expérience de paiement.

Frédéric Burtz : L’intégration de la chaîne de paiement est aujourd’hui un enjeu clé en Europe. Souveraineté, performance et intégration sont indissociables. Un système souverain doit être performant, fiable et à la pointe de l’innovation pour s’imposer comme une alternative crédible.

L’enjeu n’est plus seulement d’être un acteur pertinent sur une des étapes de la chaîne des paiements, mais un orchestrateur de l’ensemble du parcours transactionnel.