Qui s’intéresse à l’art, manie de la donnée !

DataMag prend les pinceaux !

Des œuvres d’art virtuelles. Des data artistes. Des (faussement) incompréhensibles NFT… On vous a perdu ? Associer l’art et la donnée vous remplit d’indignation, ou au contraire d’excitation ? Vous ne voyez pas le rapport entre les subtilités d’un Van Gogh et la froideur de la donnée ? L’art, c’est de l’insaisissable, du subjectif ; la donnée, c’est du mesurable, du pur objectif ? Mais tout à fait ! Grâce à leurs talents infinis et leur esprit visionnaire, les beaux-arts transforment la data en nuancier. Et puis d’ailleurs l’art, c’est déjà une donnée !

Lascaux, première grotte de la… data !

Grotte de Lascaux, Frise des chevaux noirs – Centre national de préhistoire

Difficile de faire plus ancien en matière d’art. Grâce à la technique de datation au carbone 14, l’âge des peintures de la célèbre grotte de Lascaux a été évalué à plus de 20 000 ans. Or ce que nous révèlent ces peintures sur leur époque et le mode de vie des hommes et femmes préhistoriques est totalement inédit ! Les œuvres et leurs créateurs nous glissent ainsi d’innombrables informations sur notre histoire et sur le monde.

L’art, c’est donc aussi de la donnée. Une donnée qui n’est pas forcément numérique. Parce qu’une donnée, en fait, c’est quoi ?

Le Larousse la définit ainsi : “Ce qui est connu ou admis comme tel, sur lequel on peut fonder un raisonnement, qui sert de point de départ pour une recherche, (…) résultats d’observations ou d’expériences, soumis aux méthodes statistiques.” On l’a compris, la donnée, c’est une observation objective à l’esprit scientifique. En version numérique, cela donne par extension une “représentation conventionnelle d’une information en vue de son traitement informatique”. Ce que l’on entend en général par le mot « data » = une information numérisée.

Parfait. Mais alors l’art, là-dedans ?

Eh bien comme pour les grottes de Lascaux, les œuvres artistiques constituent une source infinie de données. Elles nous apprennent, grâce à de multiples indices objectifs, comment on vivait, comment on se nourrissait, s’habillait, aimait, soignait, éduquait, voyageait, pensait… C’est d’ailleurs grâce aux œuvres d’arts que l’on en sait plus sur l’histoire des religions, des mythes ou des grands événements historiques.

Aujourd’hui, avec le big data, l’intelligence artificielle et l’exploitation croisée des données, cette analyse artistico-historique peut être poussée encore plus loin pour percer les secrets de l’humanité ! Avec même une nouvelle dimension, puisque la data elle-même sert désormais d’élément créatif. Euh… c’est-à-dire ?

Cézanne s’inspirait des paysages ? Ces artistes s’inspirent de la data !

Paul CÉZANNE, Trois baigneuses – Petit Palais

Même lorsque l’on ne connaît rien à la data (ie les données numérisées qui s’échangent, se stockent et se traitent par milliards chaque jour), on sait qu’il y en a beaucoup. Sur tous les sujets. La data est donc devenue, de fait, un élément de notre vie. Or la vie quotidienne et ses caractéristiques sont par essence une source d’inspiration artistique !

La conclusion s’avère donc inéluctable : la data est devenue un moyen d’expression créatif. A tel point que l’on parle désormais du data art, du datartivisme et des datartistes

En marketing, les experts utilisent visuellement la data pour faire de la pédagogie : on parle alors de dataviz (pour data visualization). Le data art, lui, exploite la data comme matière première pour transmettre une interprétation personnelle. Un peu comme un sculpteur le ferait avec de la terre glaise. Sauf que la data est déjà en elle-même une matière signifiante ! De quoi inspirer sans fin les datartistes. On voit apparaître ainsi des créations militantes qui triturent et exploitent des données sur le réchauffement climatique, la pollution, les violences policières ou faites aux femmes… La data est alors à la fois un matériau signifiant ET esthétique. Puissant, non ? Jetez un œil aux œuvres de l’artiste japonais Ryoji Ikeda, grand maestro du data art, ou intéressez-vous à l’insolite proposition de Federico Zannier, un étudiant qui a mis en vente les données de sa vie privée en ligne. L’intitulé de son projet : “A bit[e] of me”. Un nouveau genre d’installation artistique virtuelle pour faire réfléchir au respect de la vie privée à l’heure du numérique.

Numérique + artistique… Le mystérieux acronyme NFT vous vient en tête ? On y arrive !

Blockchain, NFT, métavers, IA… L’art va-t-il se dématérialiser ?

L’apparition des CryptoKitties, l’un des premiers jeux NFT basés sur la blockchain (avec Internet, ça commence souvent par une histoire de chat !). Un distributeur de NFT installé à New York. Des œuvres d’art sous forme de NFT vendues des millions de dollars avec le record de 69,3 millions pour la vente de l’œuvre “Everyday : The First Five Thousand Days” de l’artiste Beeple. Le désormais célèbre Portrait d’Edmond Belamy, créé par une intelligence artificielle et vendu 432 000 dollars aux enchères. Artifly, la plateforme qui vous permet de générer votre propre œuvre d’art à partir de vos goûts personnels…

Le monde de l’art se numérise ? Sans aucun doute ! Va-t-il entièrement se dématérialiser ? Absolument pas ! Le digital, puisqu’il fait partie de nos vies, participe forcément à l’évolution artistique. Heureusement, d’ailleurs, que l’art ne passe pas à côté d’un des aspects majeurs de notre quotidien ! S’il s’en empare, s’en inspire et se sert du digital pour se développer, l’art reste l’art : une expression libre, au-delà de toute technologie. Ce qui n’empêche pas la data, elle, d’apporter des innovations drôles, utiles ou révolutionnaires au monde de l’art. 

La célèbre maison de ventes aux enchères Sotheby’s, fondée en 1744 tout de même, a ainsi annoncé le lancement de sa plateforme Sotheby’s Metaverse. L’objectif : prendre le train des NFT et du metavers en route. Pourquoi une maison historique comme celle-ci et comme d’autres croient-elles à ce visage numérisé de l’art ? Eh bien parce que les NFT révolutionnent le marché de l’art lui-même, ne serait-ce qu’en créant un tout nouveau et immense canal de vente et en transformant l’œuvre en un actif financier. Ils bouleversent également la vie des musées et des galeries.

Création du street artiste ukrainien , Roman Chizz qui s’appuie sur la collaboration
entre l’humain et la machine.

Un exemple ? Les musées peuvent désormais créer des jumeaux numériques de leurs œuvres exposées. Ces jumeaux, protégés, certifiés et authentifiés, peuvent être mis en exploitation sous forme de NFT sur le marché de l’art, facilitant entre autres l’investissement des particuliers.

Les applications de la data permettent ainsi de nombreuses innovations étonnantes… tout en venant renforcer le marché de l’art “classique”. On vous explique !

LE MOT À RETENIR : NFT

NFT est l’acronyme anglais pour non-fungible token (ou jeton non fongible en français). Une explication qui ne donne pas encore beaucoup d’indices, certes !

Commençons avec deux définitions :

  • Non fongible = non interchangeable
  • Token (ou jeton) = actif numérique (un fichier, une œuvre artistique…)

Le NFT désigne donc un actif numérique auquel un certificat d’authenticité numérique a été attaché. Quand vous achetez un NFT, vous achetez la propriété exclusive de l’œuvre originale incluse dans ce NFT (l’artiste, lui, conserve les droits d’auteur et de reproduction). Un NFT peut être associé à une photographie, une peinture, un fichier audio, un jeu… : son usage dépasse le seul domaine de l’art. Même si par extension, dans le langage courant, les NFT sont désormais très souvent associés aux œuvres d’art numériques dotées de ce fameux certificat d’authenticité. Et ce qui garantit cette sécurité et cette unicité du NFT, c’est la technologie de la blockchain. Celle-ci a introduit la notion de propriété et de rareté dans le monde numérique !

Un fun fact ? En 2021, le palmarès ArtReview Power 100 a nommé ERC-721 la personnalité la plus influente du monde de l’art. Or ERC-721, c’est le petit nom poétique des NFT !

C’est assez extraordinaire parce qu’aujourd’hui certains artistes numériques complètement inconnus du marché traditionnel de l’art génèrent des revenus réguliers à partir de leur création artistique, en les vendant directement sur des plateformes spécialisées. C’est un nouveau paradigme qui s’ouvre.”

Sandrine Decorde, Co-founder and CEO at ARTCARE 
Victor PROUVÉ  – Esquisse pour la salle des mariages de la mairie du 11ème – Musée des Beaux-Arts de la ville de Paris

Que les portes du monde de l’art s’ouvrent en grand !

La data peut-elle favoriser l’accessibilité et la démocratisation de l’art ? Mais oui !

En voici plusieurs illustrations significatives :

Les esprits les plus créatifs sont bien sûr à pied d’œuvre pour continuer à étoffer cette liste !

OUI, MAIS… Art vs. Data ? Pas de K.O. !

Art et data sont deux notions fondamentalement différentes. La data n’a pas vocation à phagocyter l’art. Elle offre plutôt une interprétation et un outil d’analyse qui peuvent servir le propos de l’art, même avec le développement de l’IA.

L’intelligence artificielle dans l’art, c’est quoi ? De la création artistique par IA, par exemple. Ça fait peur ? Pas quand on sait que le principe même de l’IA, c’est le fonctionnement par apprentissage et par copie. Exactement comme le font les artistes. Comme le souligne Diana Landi dans le média ActuIA : “Le Portrait d’Edmond Belamy est bel et bien humain. Ce sont des humains qui ont choisi les images sur lesquelles l’algorithme s’est basé. Ce sont des humains qui ont inventé et nourri l’algorithme. Ce sont des humains qui voient et interprètent l’œuvre. Ce sont des humains qui ont choisi le cadre. Ce sont enfin des humains qui assignent une valeur, vendent ou achètent cette œuvre.”

Et si vous n’y adhérez pas, rien ne vous oblige à vous mettre aux visites virtuelles. RDV pour les aficionados dans nos bons vieux et magnifiques musées !

Germain Eugène BONNETON – La rue du Haut-Pavé vers le quai de Montebello (inondations de 1910) – Musée Carnavalet

Interview d’experts

Elle s’appelle Sandrine Decorde et elle est venue nous parler de son sujet préféré. Vous l’avez deviné : il s’agit des NFT !

Rencontre avec Jean Pénicaut, cet amateur et collectionneur nous parle de lumière multi spectrale et de data pour l’authentification, la certification et la restauration des œuvres d’arts.

Le quiz qui teste vos connaissances

Voilà qui tombe bien, en parlant de capacité à se déconnecter et à se concentrer…. Qu’avez-vous retenu de cette passionnante et croissante relation entre l’art et la data ? Vous êtes joueur ?

Top chrono, évaluez vos nouvelles connaissances en 10 questions et challengez vos amis !

Cliquer sur l’image pour accéder au quizz

Portrait de notre redac’ chef

Composée de passionné.e.s, la Communauté Data du Groupe BPCE trouve ses rédac’ chefs en interne. Cette fois-ci, c’est Clémence qui s’y colle !

  • Qui es-tu et que fais-tu au sein du Groupe BPCE ?  

Je m’appelle Clémence Bertrand-Jaume. Je travaille au sein du pôle BPCE Digital & Payments, où je m’occupe des contenus et de l’animation de nos communautés internes (collaborateurs) et externes (écosystèmes du digital, de la data, de l’innovation et des paiements). Soit une partie, je l’espère bien, des lecteurs de ce mag !

  • Ton dada : l’art ou la data ? 

Les deux ! J’ai la chance de ne pas avoir à choisir 😊. La data côté professionnel : en marketing et communication, pouvoir mesurer la performance des actions est un outil hyper puissant. La data collectée (avec consentement, RGPD oblige !) permet de mieux comprendre les usages, les comportements et les attentes. Et, in fine, de valoriser nos projets et leurs résultats. L’art, c’est côté perso. Je suis une insatiable curieuse d’art car il me permet de déconnecter du quotidien, de m’ouvrir l’esprit, de (re)découvrir l’histoire. C’est un formidable médium pour partager idées et sentiments.

  • Si tu étais une œuvre d’art, tu serais…
John SINGER SARGENT, Repose (Nonchaloir) – National Gallery of Art de Washington

Repose, de John Singer Sargent. Cette huile exposée à la National Gallery de Washington représente une jeune femme alanguie sur un sofa, l’air apaisé. C’est justement ce qui me séduit : la plénitude et le lâcher-prise du personnage en contraste avec le décor sophistiqué de l’ère victorienne. J’en fais une transposition avec nos vies agitées, over connectées, et la possibilité qu’offre l’art de s’en détacher. Lorsque l’on regarde la toile à distance, on est frappé par le réalisme de la représentation mais lorsque l’on se plonge dans les détails, on découvre des juxtapositions de couleurs caractéristiques de l’impressionnisme. Comme pour la data, en fonction de notre point de vue et de notre capacité à prendre du recul, on ne perçoit pas la même chose !

  • Si tu étais une technique artistique, tu serais… 

Le sfumato (enfumé en italien). Pour l’imperceptibilité d’une technicité créatrice de douceur. Cette technique picturale théorisée par Léonard de Vinci se caractérise par une ambiance vaporeuse et des contours imprécis. Elle se réalise grâce à la superposition de très fines couches de peinture transparente (le glacis).

Ci-contre : Jean-Jacques HENNER, collection privée

  • Si tu étais une technologie, tu serais…

Le web 2.0 ! Pour son interactivité, sa simplicité et son approche centrée sur le contenu. Il a permis de démocratiser les usages du web. Il a aussi offert aux internautes (et aux artistes) l’opportunité de partager et de promouvoir facilement leurs productions.

  • Si tu devais décrire l’art en une émotion, tu choisirais laquelle ?

La confiance. Tant qu’il y aura de l’art, il y aura de l’humanité. L’art permet de transmettre, de partager ses convictions éthiques et de s’évader.  

  • Un message à faire passer au sujet de ce n° du data mag

Vous êtes fan d’art, de data, des deux… ou encore d’aucun ? J’espère que ce DataMag réussira à vous éclairer et à affiner votre point de vue. N’hésitez pas à partager et réagir pour poursuivre les échanges !

Bibliographie

Les sources les plus pédagogiques sur…